Le compositeur, la muse, le génie malade et la femme hystérique : de la photographie de l’oreille dans la vulgarisation scientifique française, 1860-1910

Piyush Wadhera, Centre André Chastel, Sorbonne Université

Citer
Piyush Wadhera, « Le compositeur, la muse, le génie malade et la femme hystérique : de la photographie de l'oreille dans la vulgarisation scientifique française, 1860-1910 », dans Revue Silène, n° 1, déc.2023, p. 1-26 Url : https://www.revue-silene.com/08_le-compositeur-la-muse-le-genie-malade-et-la-femme-hysterique-de-la-photographie-de-loreille-dans-la-vulgarisation-scientifique-francaise-1860-1910/

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Sommaire

L’oreille, le premier instrument du compositeur, a une histoire riche en iconographie et en perspectives au XIXe siècle, partagée entre la science, l’art, et même la politique et la religion. L’étude du terme de « génie » dans cette période, comme le montre l’ouvrage de Thierry Laugée, permet de constater les aspects physiologiques de telles représentations de la figure héroïque de l’artiste. À cela s’ajoute une figure maléfique et démoniaque dans la culture populaire, exagérée sous les traits de la caricature. L’oreille devient le terrain de confrontation entre ces deux figures de l’artiste, où une troisième figure, celle de la muse féminine, devient l’objet final de fascination. L’avènement de l’industrie photographique dans les années 1840 permet de cristalliser ces représentations dans un nouveau marché d’images. Il s’agit ici de voir comment, avec la naissance de nouveaux médias visuels de masse — les revues illustrées par procédé photomécanique et le cinéma —, ces représentations du génie et de la muse se retrouvent autour d’un dialogue, avec comme sujet l’oreille humaine.

La presse photomécanique et la naissance d’une culture de masse

L’émergence d’une culture de masse, signalée par la naissance de l’industrie photographique et par l’essor de la presse illustrée, prend son ampleur véritable avec la fin du Second Empire. À travers la presse illustrée et les premiers usages des procédés photomécaniques, la photographie fait son entrée dans les médias à grande distribution. La presse illustrée en France connaît ainsi ses premières illustrations en photogravure de comédiennes de théâtre ou de chanteurs d’opéra sur les frontispices du Paris-Théâtre (1873)1. Le procédé trouve également une application massive dans l’essor des revues illustrées à vulgarisation scientifique comme La Nature (« revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie », revue hebdomadaire et illustrée, 1873-1895)2. Ces revues permettent de faire connaître au public français les récentes découvertes en matière de recherche scientifique, comme les « rayons X » ou les applications techniques ou médicales, s’appuyant sur des illustrations d’après reproduction photographique de qualité. L’engouement pour la recherche scientifique illustrée et la popularité du divertissement musical se combinent finalement dans les pages de la revue Musica (octobre 1902-août 1914), première revue illustrée consacrée à la musique, autoproclamée « plus beau journal illustré de musique du monde entier », destinée aux enseignants et praticiens de la musique et notamment à un public féminin d’amatrices de musique3.

La vulgarisation musicale se marie ainsi avec la vulgarisation scientifique, et la photographie devient un terrain commun de représentation. Deux articles écrits par Léo d’Hampol en 1904, illustrés avec des photographies prises par l’auteur, servent d’exemples pour ce cas d’étude. Le premier, intitulé « La main des virtuoses » et publié en juin 19044, présente les photographies de la main gauche de cinq violonistes de renommée internationale au cours de leurs passages respectifs à Paris – le violoniste allemand Joseph Joachim, le violoniste espagnol Pablo de Sarasate, le violoniste français Jacques Thibaud, l’altiste belge Louis van Waefelghem, le violoncelliste hollandais Joseph Hollmann et le violoniste espagnol Albert Geloso. Prises par d’Hampol, ces photographies cherchent à fixer « selon les seules données de la science, les causes physiologiques de virtuosité qui font l’admiration publique et assurent à ceux qui en sont favorisés une place enviable dans la vie artistique contemporaine »5. D’Hampol s’attaque dans l’article à la « conception mystique » de la virtuosité au début de son texte, et il affirme aussitôt que « la science a fait bonne et prompte justice des naïvetés de la chiromancie ».

Un deuxième article intitulé « L’Oreille et la musique », publié en novembre 19046, recueille les propos du docteur Albert Charpentier de l'hôpital de la Pitié et du docteur Babinski, dont les « expérimentations scientifiques » permettront d'estimer les « progrès futurs de la musicothérapie ». En partant de quelques expériences de la melothérapie chez des patients affectés par la neurasthénie ou encore par la mélancolie persistante, l'auteur esquisse une étude de l'oreille comme « l'appareil musical par excellence », en étudiant les photographies prises des oreilles de Richard Wagner, Camille Saint-Saëns, Jules Massenet, Paul Vidal, Félix Weingartner ou encore du compositeur-interprète Raoul Pugno et de la célèbre cantatrice Gabrielle Krauss [Fig. 1]. L'auteur semble participer ici à l'engouement pour la vulgarisation scientifique qui connaît un renouveau en France avec l'avènement de la photographie, tout en contribuant à la fascination médiatique qui entoure quelques compositeurs.

Le sujet de l’article s’articule autour de deux problématiques propres aux rapports entre la musique et le positivisme scientifique de l’époque : l’explication du génie, par des causes physiologiques, de quelques grands compositeurs de la fin du XIXe siècle qui ont fait carrière en France d’une part et les expériences scientifiques de la musicothérapie dans le traitement des maladies nerveuses d’autre part. L’auteur pose ainsi la question de savoir si l’oreille « est l’appareil musical par excellence » [Fig. 2]. Le docteur Charpentier répond en deux temps à la question de l’auteur. Premièrement, il explique que « pour le génie musical créateur […], l’oreille n’est qu’un appareil secondaire » et que « le génie musical ne réside pas dans l’oreille […] [mais] dans le cerveau »7. La question du lien entre « la forme extérieure de l’oreille [et] des caractères spéciaux chez les musiciens » est ensuite étudiée à travers une supposition qui ferait du génie « une anomalie embryogénique au même titre que la folie et l’impulsion criminelle ». S’appuyant sur les photographies des oreilles de Wagner prises par d’Hampol, l’auteur en vient à se demander « le génie d’un Richard Wagner » pourrait être expliqué par la forme de son oreille.

L’oreille du compositeur entre vulgarisation scientifique et caricature

L’étude consacrée par d’Hampol et l’analyse qu’en propose le docteur Charpentier correspondent ainsi à une combinaison des modalités de la vulgarisation scientifique et de l’étude positiviste du génie musical. Une telle rhétorique psychologique, qui servirait à la fois pour expliquer le génie de l’artiste et l’impulsion criminelle par des preuves physiologiques, trouve ainsi son medium par excellence dans la photographie médicale. Pourtant cette approche apparaît comme le résultat d’un héritage des théories physiologiques du dessin datant du XVIIIe siècle. En effet, une transformation s’opère dans la philosophie des Lumières entre l’idée de génie comme faculté, ou de la représentation des actions d’un homme comme preuve de son génie, et la figuration du génie comme une personne qui incarne déjà ces qualités comme une essence d’être8. Cette transition entre « faculté » et « essence » s’articule selon les données de l’esthétique, de la science et de la médecine qui permettent de créer deux modèles pédagogiques à l’usage des artistes qui pourront ainsi représenter plus fidèlement la grandeur morale d’un sujet. Dans la Conférence sur l’expression générale et particulière, le texte fondateur à ce sujet du peintre Charles le Brun (1619-1690) prononcé en 1668 et publié trente ans plus tard [Fig. 3.]9, l’auteur étudie ainsi la représentation des expressions du visage et du corps, ou des signes pathétiques qui permettent de définir le caractère du personnage. Cette étude, proche de la théorie du pathognomie, offre aux artistes des outils pour mieux représenter les passions du sujet, en s’appuyant sur des effets de gestes et d’expressions du visage et du corps. La théorie de la physiognomonie, quant à elle, date du premier traité à ce sujet écrit par Aristote, intitulé Physiognomonica. Son renouvèlement est dû aux travaux de Johann Kaspar Lavater (1741-1801) qui paraissent dans le dernier quart du XVIIIe siècle avec ses dix volumes de L’Art de connaître les hommes par la physionomie et dont la traduction française paraît en 182010. Se concentrant principalement sur le visage et le crâne comme sièges de la pensée, Lavater prétend ici à la véracité scientifique en examinant les détails physiologiques du sujet pour vérifier ses qualités morales.

Les écrits de Lavater servent à populariser la discipline de la physiognomonie tout au long du XIXe siècle en Europe et fournissent aux artistes de nouveaux outils pour doter leurs sujets de certaines qualités morales. Le traitement de l’oreille apparaît dans ses écrits mais de manière disparate. Parmi les dizaines de chapitres que Lavater consacre aux parties individuelles du corps humain, à la topologie des yeux, du nez, de la bouche, des dents, du menton, et des sourcils, un chapitre est également consacré aux oreilles dans le deuxième volume. En faisant attention « 1° à la totalité de sa forme et de sa grandeur », « 2° à ses contours intérieurs et extérieurs, à ses cavités et à son enfoncement », et « 3° à sa position [par rapport au crâne] », Lavater examine une série d’oreilles sous des aspects moraux. Il distingue ainsi les oreilles d’« un homme modeste, humble et doux » de celles qui « ne sauraient convenir à des esprits ordinaires »11. L’auteur commente la physionomie de deux compositeurs : l’un anonyme et l’autre nommé Emmanuel Bach, mais ne décrit nullement leurs oreilles, attribuant leur génie plutôt à leur front12. En effet, au sujet des musiciens, Lavater avoue ne pas avoir « la moindre idée de leur art »13et, bien qu’il postule que « le caractère physionomique devrait se retrouver chez le peintre dans l’œil chez le musicien dans l’oreille », il avoue ne pas avoir pu approfondir cette idée14.

Chez Lavater, les oreilles sont davantage commentées dans les études animalières. Commentant les grandes oreilles de certains Espagnols sur les rivages de Bidassoa, l’auteur remarque que des grandes oreilles signifient plus que souvent la folie chez le sujet, et que des petites oreilles signifient un caractère « faible, trop sensible, voire efféminée ». L’auteur attribue ainsi des oreilles trop grandes à une nature primitive et animalière chez l’être humain, et essaie même d’en montrer les différentes déclinaisons entre la nature animale et humaine15. Il étudie ainsi la physionomie des fous en remarquant que « leurs oreilles [sont] grandes et droites » et en les comparant à la physionomie des oiseaux et des singes16. Dans les Principes de Caricatures (1788) et l’Essai sur la Peinture Comique (1802, traduction française) de l’archéologue anglais Francis Grose, l’auteur énonce plusieurs règles essentielles sur la caricature entre narration et figuration17. La déviation depuis le modèle normatif du dessin anatomique est également intégrée dans une méthode positiviste de la psychologie du personnage, où d’une part l’on trouve les signes scientifiques de supériorité morale, comme du génie musical, et où d’autre part il est question d’étudier des psychoses ou des difformités morales afin de construire une figure pathologique. Plus qu’un organe, l’oreille est considérée comme l’extension physiologique de la faculté de l’écoute, dont tout dérangement aurait le potentiel d’exciter des pathologies hallucinatoires. Dans son analyse de la dernière gravure de Hogarth de sa série Vie du Libertin (Rake’s Progress) [Fig. 4], Grose étudie une scène dépeignant la descente d’un libertin fictif nommé Tom Rakewell dans l’asile psychiatrique de Bedlam. Il y étudie un « Musicien enragé […] dont l’oreille exercée et faite aux accens mélodieux de l’harmonie, est par cela même absolument incapable de supporter le tintamarre ou la confusion des cris tumultueux et discordans de la foule extravagante [sic] ».18. Dans la Physiologie du musicien (1841) d’Albert Cler, l’auteur raconte l’histoire du docteur Shroeder qui examine les deux oreilles d’un certain baron dont la symptomatologie consiste à se crisper au moindre ton musical. Le docteur y découvre « une notable disparate dans la structure respective du double appareil de l’ouïe ». Cler pose ainsi la question du rôle que joue la physiologie de l’oreille dans la perception des sons, et ainsi dans l’appréciation de la musique19.

Une théorie positiviste de l’esprit autour de l’oreille

La théorie de la physiognomonie, bien qu’attribuée à l’héritage antique aristotélicien, est en réalité fortement nourrie par le développement d’une épistémologie empirique, notamment dans les écrits des théoriciens et scientifiques européens du tournant du XVIIIe siècle. Une grande partie de cette épistémologie empirique se développe en Allemagne, sous la plume de médecins philosophes comme Georg Ernst Stahl ou encore Johann Christian Reil. La théorie de la connaissance est ainsi soulignée comme étant le fruit d’une expérience humaine, notamment sensorielle, et la causalité de l’expérience esthétique est établie dans l’étude de la physiologie humaine. Quoi qu’ignorée parfois par l’iconographie française, l’oreille a une place primordiale dans la théorie sensorielle de l’expérience humaine dans l’école allemande. Le danois Hermann Boerhaave (1668-1738) compare le corps humain à une horloge ou à un perpetuum mobile à la façon de Newton : le fonctionnement de l'oreille est ainsi comparé à un petit marteau qui frappe le tympan et les infections du sang expliquées par une obstruction mécanique des fluides. C’est pourtant le travail de Hermann von Helmholtz qui amène l’oreille au centre d’une théorie de la connaissance. Avec la publication de son ouvrage Die Lehre von den Tonempfindungen als physiologische Grundlage für die Theorie der Musik en 186220, Helmholtz établit une théorie d’acoustique physiologique, qui explique les harmonies naturelles du son musical selon les constitutions physiologiques des organes récepteurs de l’oreille.

Le traité de Helmholtz a notamment permis de remettre en avant la constitution empirique de l’oreille humaine, transformant son image d’organe passif en celui d’organe actif. La traduction française de ses déductions sur la théorie musicale, publiée cinq ans après l’original, avait eu une réception complexe, comme en témoigne l’article de George Bertrand dans Le Menestrel du 27 séptembre 1868, qui accuse Helmholtz de démentir la théorie du tempérament, et de faire l’apologie de l’accord parfait, en le transformant en épitome de la théorie musicale21. L’approche positiviste de Helmholtz aura pourtant un retentissement à travers l’Europe, et notamment dans le domaine de l’histoire de l’art. Dans la revue allemande Zeitschrift für bildende Kunst22, entre 1876 et 1880, sous le pseudonyme d’« Ivan Lermolieff », paraît une série d’articles qui propose une nouvelle méthode pour l’attribution des peintures de la Renaissance italienne, notamment des copies des œuvres réalisées par les maîtres italiens. Ces articles, que l’on doit en réalité à Giovanni Morelli, permettent de faire la distinction entre les originaux et les copies, en se concentrant sur les détails les moins apparents, afin d’étudier la signature d’un maître dans la finesse de sa technique. Médecin, critique d’art et figure politique d’origine italienne, Morelli identifia ainsi la particularité des oreilles dessinées par Botticelli pour réattribuer plusieurs toiles dans les principales galeries d’Europe, comme dans l’autoportrait de Fra Filippo Lippi [Fig. 7]. Morelli insiste ainsi sur le fait que l’attention d’un connaisseur devrait être détournée de l’impression générale et des aspects principaux d’une œuvre, afin de se consacrer plutôt à la signification des détails plus minutieux, comme les bouts des doigts ou les lobes des oreilles, que le copiste personnalisait au cours de son imitation.

Au cours des années 1870, le neurologue français Jean-Martin Charcot installe à l’hôpital de la Salpêtrière un atelier photographique destiné à photographier ses patients. De cet atelier ressortent, à partir de 1876, les trois premiers volumes de l’Iconographie photographique de la Salpêtrière, dont chacun est accompagné de planches photographiques visant à appuyer ses recherches sur le sujet de l’hystérie. Ces volumes suscitent un engouement inédit dans la communauté scientifique et artistique, notamment à cause d’une supposée démonstration photographique des symptômes d’« hystério-épilepsie » chez les patientes examinées. Charcot revendique pourtant « les véracités inhérentes » de la photographie dans l’introduction de son premier volume pour donner à ses photographies le statut d’une preuve scientifique23. D’autres travaux, comme l’Atlas de l’Homme criminel (1878) de Lombroso cité par le docteur Charpentier dans l’article d’Hampol, présentent des photographies des « crânes de criminelles » afin d’étudier la similarité de leurs anomalies crâniennes comme preuves de leur caractère délinquant [Fig. 5]. Ces modalités photographiques de la justification psycho-physionomique du génie chez le compositeur trouvent d’autres instances dans la vulgarisation scientifique et musicale, comme dans un article paru dans le nº2496 de LIllustration intitulé « La forme de la tête »24, où l’auteur cherche à expliquer les prédispositions musicales de compositeurs comme Camille Saint-Saëns par l’étude de leurs crânes [Fig. 6].

Dans Rhapsodies sur l'application de la méthode de cure psychique (1803) par Johann Christian Reil, la théorie allemande de la rhétorique comme outil médical part d’une telle approche expérimentale pour étudier les dérèglements, envisageant donc de passer d'une physiologie à une pathologie. « On mènera par exemple le malade dans un caveau totalement noir et où ne pénètre aucun son, rempli d'objets étranges, fixes ou mobiles, morts ou animés. [...] L'oreille est l'un des organes qui peut se fermer le plus difficilement aux impressions extérieures. Beaucoup de ses perceptions [Anschauungen] sont en même temps liées à un sentiment agréable ou désagréable […] »25. Les assistants de Charcot suivent une telle approche pour juger et stimuler l’univers sonore de leurs patientes. En 1878, Charcot parle des hallucinations sonores chez ses patientes : des bourdonnements ou des acouphènes dans les oreilles sont ainsi perçus comme signes neurologiques de l’hystérie. L’expérience avec différents corps sonores comme des diapasons ou des tams-tams, et ensuite avec des extraits de musique militaire, permettraient de déclencher chez les patientes les mécanismes de l’épilepsie hystérique.

L’hystérie et l’écoute, ou la domination du corps féminin

Dans l’article d’Hampol sur les oreilles des compositeurs, les preuves du génie chez l’homme-artiste sont également applicables pour l’explication de maladies nerveuses chez d’autres sujets comme « l’hystérie […], les phobies neurasthéniques, la maladie du doute, la mélancolie, les délires aigus »26, etc. Une telle approche commune à l’étude du génie et des troubles psychologiques évoque ainsi la conception romantique du compositeur, telle que la développe Berlioz dans ses Mémoires dans la description de sa propre mélancolie27. Cette même conception romantique servira pour le portrait du protagoniste de sa Symphonie Fantastique : un jeune musicien, « affecté de cette maladie morale qu’un écrivain célèbre appelle le vague des passions »28. L’hystérie est pourtant attribuée principalement à des sujets féminins, et son « analyse » par Charcot devient l’explication principale de la popularité de ses volumes photographiques. Pour Georges Didi-Huberman, la fascination autour du travail de Charcot est le résultat de la combinaison d’un fantasme hystérique, celui du corps féminin érotisé par la maladie psychique, et d’un fantasme du savoir, celui des représentations photographiques et anecdotiques tenant de la véracité29. Les livres de Charcot, qui se veulent des écrits scientifiques, comprennent des transcriptions détaillées des délires sexuels de ses patientes dans des états d’épilepsie ou d’hypnose, états souvent artificiellement déclenchés par les assistants. Comme l’explique G. Didi-Hubermann dans Invention de l’hystérie, certaines femmes finiront par témoigner de leur expérience après s’être évadées de l’hôpital [Fig. 7], et décrivent les actes violents qu’elles ont subi de la part des médecins. Crier fort dans les oreilles des patientes hystériques pendant les expériences scientifiques pour qu’elles ne s’endorment pas, leur tirer les cheveux sur les tempes et sur la nuque ou tirer sur leurs poils pubiens afin qu’elles restent éveillées pendant que l’expérience est en cours, telles sont les opérations menées par les assistants du docteur Charcot. Ces actes participent finalement à une mise en scène photographique élaborée, produisant des images qui participeront à une publication supposée scientifique, voire artistique, par le docteur Charcot.

La notoriété de L’Iconographie photographique de la Salpêtrière servira directement à établir Charcot comme le père fondateur de la psychiatrie moderne [Figs. 8, 9].

Selon Huberman, une telle fabrication des images et des récits scientifiques de l’hystérie est de l’ordre d’un simulacre, celui du théâtre photographique dirigé par le médecin dont l’interprète est la patiente hystérique. La temporalité de ce spectacle est celui de la transformation d’une structure hystérique et érotisée (i.e. corps pour image et image pour volupté), en une structure perverse et dégoutant (corps pour image et image pour connaissance)30. Le charme se transforme en haine, et le désir se confronte au dégout, créant ainsi une temporalité de fixation ou fascinum autour de ces images. Pour Huberman, les premiers photographes-médecins comme Charcot et Bourneville pratiquent ainsi une forme de domination iconographique sur le corps féminin érotisé, et tente de justifier cette démarche en la faisant passer pour une étude de l’extase religieuse transformée en délire érotique. Ceci permet de théoriser « l’absent », ou le sujet du désir de l’hystérique. Ce rôle de « l’absent » serait en réalité repris par le médecin ou le photographe-voyeur, qui représente ou soigne31 la femme hystérique dans son délire érotique.

Tout comme dans le simulacre de l’Iconographie de la Salpêtrière, le personnage féminin devient l’objet de la fascination de l’artiste homme, il devient sa muse. Dans le mythe de l’artiste romantique, la muse est l’incarnation externe de la faculté de génie de l’artiste32. Pour Nathalie Heinich, l’artiste aurait deux chemins narratifs à poursuivre face à cet idéal : soit le destin tragique d’« un vieux maître qui échoue en voulant subordonner l’art au rendu de la nature, incarnée par la femme », soit le récit héroïque d’« un jeune artiste qui réussit en acceptant de sacrifier la nature à l’art »33. La femme érotisée, sous forme de demi-mondaine ou bien d’héroïne théâtrale, est moins idéalisée que la muse classique mais n’échappe guère à un phénomène de réification par le prisme des préjugés sociaux de la société patriarcale du XIXe siècle français. Les traités sur la morale publique comme De la justice dans la révolution et dans l’église (1858) de P. J. Proudhon, Histoire morale des femmes (1860) d’Ernest Legouvé et La Femme (1860) de Jules Michelet décrivent ainsi les femmes comme appartenant au sexe faible, corrompues et sensuelles à la fois, et destinées à être des mères et des soutiens pour leurs protecteurs mâles. Pour Legouvé, « les systèmes métaphysiques, les abstractions, les idées politiques de la patrie et de l’égalité sont étrangères ou indifférentes aux femmes ». À cause de leurs obsessions mercantiles et de leur incapacité à comprendre l’humanité, les femmes ne réussiraient jamais à devenir des génies artistiques, malgré leur penchant pour des formes littéraires plus modestes comme les romans, la poésie et la conversation34.

Ces deux positions morales reflèteraient un certain idéal nostalgique d’un rapport de relation de pouvoir entre les hommes et les femmes. Pour Michelet, l’idéal nostalgique de la femme docile, modeste, noble, ordonnée, belle et sacrée devait ainsi être encouragée pour la soumettre au service de l’homme, tout en effaçant chez elle toute ambition politique ou artistique chez elle35. Le terrain de cette domination masculine artistique est ici l’oreille de la femme-muse, et son moteur est le génie supposé de l’artiste-homme. Pour Stendhal, l’oreille est soumise à ce plaisir physique produit par la musique, mettant le cerveau « dans un certain état de tension ou d’irritation qui le force à produire des images agréables, et à sentir avec vingt fois plus d’ivresse les images qui, dans un autre moment, ne lui auraient donné qu’un plaisir vulgaire »36. Il décrit ainsi l’hystérie musicale produite chez les femmes par l’opéra Mosè in Egitto (1818), en citant une lettre de « Cotugno, le médecin de Naples » :

Entre autres louanges que l’on peut donner à votre héros [Rossini], mettez celle d’assassin. Je puis vous citer plus de quarante attaques de fièvre cérébrale nerveuse, ou de convulsions violentes, chez des jeunes femmes trop éprises de la musique, qui n’ont pas d’autre cause que la prière des Hébreux au troisième acte, avec son superbe changement de ton 37.

La représentation littéraire du génie de Rossini est, en effet, colorée par la puissance que ses œuvres auraient sur les auditrices. Selon le compositeur et philosophe allemand Johann Amadeus Wendt, Rossini serait « un vrai assassin », puisqu’il aurait incité « plus [de] quarante maladies nerveuses et mentales chez les jeunes femmes passionnées de musique »38. C’est l’archétype du héros conquérant et viril qui est ainsi projeté sur la représentation du compositeur : un rôle qu’incarne pleinement Liszt, autant par les récits des femmes qui entrent dans des états seconds lors de ses récitals, que par sa manière de se mettre en scène dans des poses et avec des accessoires, à l’image du costume militaire et du sabre qu’il porte en concert au début de sa carrière. Wagner aurait dit d’ailleurs à Liszt que « la musique [en tant que femme] se doit d’être nécessairement imprégné par le poète [en tant qu’homme] »39, une imprégnation héroïque qu’il aurait cherchée à travers la grandiloquence de sa musique et son effet sur l’oreille féminine. Le compositeur allemand atteste d’ailleurs en 1849, dans une lettre au compositeur Uhlig, que son art aurait trouvé la faveur des femmes, puisque « [ces dernières] sont la musique même de la vie », et qu’elles admirent son œuvre plus qu’elles ne désirent de convoiter son corps40.

La maladie psychique comme terrain de rencontre entre génie masculin et féminin

Le phénomène médical de l’hystérie, pour lequel la musique est attestée comme source et remède à la fois, devient ainsi un prétexte à la représentation du compositeur génie comme héros dominant, à côté de l’auditrice soumise. Pourtant, c’est le compositeur luimême qui est le sujet d’une telle hystérie, dans le tourbillon causé par sa propre musique intérieure avant qu’elle ne se produise dans le monde réel, tel que chez le protagoniste de la Symphonie Fantastique de Berlioz, ou comme chez le maître Frenhofer dans Le chef-d’œuvre inconnu de Balzac. L’artiste devient impuissant face à l’inachèvement de sa propre œuvre, qui prend souvent la forme de la femme idéalisée. Si le mot « manie » est appliqué plus facilement que celui de l’hystérie dans la pathologie artistique, c’est aussi parce que la notion d’hystérie, comme expliqué précédemment, est avant tout appliquée aux femmes au début du XIXe siècle français.

La notion d’hystérie masculine commence pourtant à être prise en compte chez les artistes et écrivains, hommes et femmes, dans une comparaison psychopathologique entre les deux. « Car je maintiens que les hommes sont hystériques comme les femmes et que j’en suis un », dit Gustave Flaubert dans une lettre à Georges Sand41. Elle répond avec sa propre conception de l’hystérie, soulignant le caractère inégalitaire de cette dernière dans la définition qui en est donnée dans le siècle :

Qu’est-ce que c’est aussi que d’être hystérique ? Je l’ai peut-être été aussi, je le suis peut-être, mais je n’en sais rien, n’ayant jamais approfondi la chose et en ayant ouï parler sans l’étudier. N’est-ce pas un malaise, une angoisse, causés par le désir d’un impossible quelconque ? En tout cas nous en sommes tous atteints, de ce mal étrange, quand nous avons de l’imagination ; et pourquoi une telle maladie aurait-elle un sexe ? Et puis encore, il y a ceci pour les gens forts en anatomie : il n’y a qu’un sexe. Un homme et une femme c’est si bien la même chose que l’on ne comprend guère les tas de distinctions et de raisonnements subtils dont se sont nourries les sociétés sur ce chapitre-là.42

L’hystérie devient ainsi le dénominateur commun d’une forme d’altérité entre l’homme et la femme, tant dans le domaine des lettres que de la science. Un autre disciple de Charcot, le Dr. Lefèvre, observe comme le Dr. Reil que l’oreille est l’organe le plus difficile à fermer au monde, et que sa formation chez les malades est tout aussi dépendante de la psyché que dans le cas des compositeurs43. Dans les éditions suivantes de l’Iconographie de la Salpêtrière dirigées par Paul Richier, l’exclusivité féminine de l’hystérie sera élargie pour inclure les hommes dans la pathologie. C’est peu après que, en juillet 1894, Richard Legge parlera dans The journal of mental science de la musique et de la faculté musicale dans la folie. Contrairement à Charcot, il en déduit que, d’une part, la musique n’aurait pas d’effet sur les malades, et que d’autre part la faculté de composer de la musique serait en quelque sorte le don des malades chroniques44. Albert Londe, l’élève de Charcot, propose des études photographiques de l’homme et de la femme hystériques, donnant ainsi une représentation médico-visuelle de la pathologie partagée entre les deux sexes [Fig. 10, 11].

Ces représentations, littéraires, au départ, passent par la photographie et la caricature, et arrivent finalement dans l’image mouvante du cinéma, où la représentation d’un couple hystérico-musical trouve un nouveau souffle comique chez le cinéaste-caricaturiste Émile Cohl dans La Musicomanie (1910). Tel un hommage muet rendu à la figure du compositeur, le film commence avec la reproduction d’une série de portraits de compositeurs à l’intérieur d’un cadre dessiné en forme de lyre : Mozart, Beethoven, Verdi, Wagner, et Berlioz (d’après la carte de visite de Reutlinger) entre autres [Fig. 12]. S’ensuit une histoire où l’homme compositeur et sa femme jouent les différents archétypes genrés du génie : l’artiste-homme malade, la femme-artiste en extase, l’homme viril et violent, la femme déchue. Une séquence de rêveries de l’homme compositeur montre également les symboles inconscients de son désir artistique : transfiguration, recherche de pouvoir, volupté, et absurdité [Figs. 13-17]. Le compositeur est ici représenté comme une figure du passé et qui sera progressivement remplacée par l’essor du cinéma – le nouveau grand spectacle où le compositeur n’a plus son rôle d’auteur comme avec l’opéra. Perte de l’idéal menant à une « confrontation permanente entre les souvenirs refoulés et la réalité »45, la « structure hystérique » s’applique ici aux personnages du compositeur et de sa femme. Cette structure hystérique s’applique également au rapport entre le cinéma et l’opéra : le film de Cohl représente les musiciens et la musique dans toute leur théâtralité, sans que le public puisse les entendre, créant une confrontation permanente entre le souvenir de l’écoute et la réalité de la vision, désormais mutuellement exclusives.

L’oreille du compositeur masculin est ainsi parfois un symbole de son génie artistique, et parfois une preuve de sa nature diabolique. L’oreille de sa muse est souvent un terrain de domination que la création musicale – masculine – aurait cherché à conquérir. L’étude de la place de l’artiste femme dans l’histoire de l’art nous permet de commencer à suivre les traces de l’évolution de la représentation des compositrices au début du XXe siècle comme étudiée par S. Caron pour le cas de la revue Musica46 [Fig. 20], que nous avons brièvement évoquée ici. Au moment où la recherche en histoire de l’art et en musicologie s’ouvre progressivement aux études sur le genre, la notion d’hystérie s’offre comme un terrain d’investigation partagé et privilégié pour les deux disciplines.

Fig. 1. Léo D’HAMPOL, « L’oreille et la musique », Revue Musica, novembre 1904, nº 26, p. 407.

Fig. 2. Léo D’HAMPOL, « L’oreille et la musique », Revue Musica, novembre 1904, nº 26, p. 407.

Fig. 3. Charles LE BRUN, « Figure humaine comparée à celle du loup », Conférence de Monsieur Le Brun […] Sur l’Expression générale et particulière, Paris, chez E. Picart, 1668

Fig. 4. William HOGARTH, A Rake’s Progress, planche 8, 1735, 30,6 x 41 cm, Metropolitan Museum of Art, New York.

Fig. 5. César LOMBROSO, L’Homme criminel. Atlas, Rome, Bocca frères, 1888, pl. 24.

Fig. 6. « La forme de la tête », L’Illustration, nº 2496, 27 décembre 1890.

Fig. 7. Ivan Lermolieff [Giovanni Morelli], Die werke italienischer meister in den galerien von München ; Dresden und Berlin. Leipzig, 1880, p. 99.

Fig. 8. Albert LONDE, « Catalepsie provoquée par le bruit du diapason », Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, t. II, Paris, 1888, pl. 20.

Fig. 9. Albert LONDE, « Attitudes passionnelles. Hallucinations de l’ouïe », Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, t. II, Paris, 1888, pl. 24.

Fig. 10. Albert LONDE, « Blèpharospasme hystérique », Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, t. II, Paris, 1888, pl. 17.

Fig. 11. Albert LONDE, « État mental et faciès dans l’hystérie masculine », Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, t. III, Paris, 1888, pl. 8.

Figs. 12-19. Émile COHL, La Musicomanie, Gaumont (cat. 3235), 22 novembre 1910, 04m45s.

Fig. 20. Juliette TOUTAIN, « Mlle Juliette Toutain et le concours de Rome », Revue Musica, juin 1903, nº9, p. 141.


1. Thierry Gervais, L’Illustration photographique. Naissance du spectacle de l’information (1843-1914), thèse de doctorat sous la direction de Christophe Prochasson et André Gunthert, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2007. p. 138.

2. Florence Colin, « Les revues de vulgarisation scientifique », dans Bruno Beguet (dir.), La science pour tous. Sur la vulgarisation scientifique en France de 1850 à 1914, Paris, Bibliothèque du CNAM, 1990, p. 69 et 83-84.

3. Florence Gétreau et Nicole Lallement, « L’image dans La Revue musicale », dans Myriam Chimènes, Florence Gétreau, Catherine Massip (dir.), Henry Prunières (1886-1942). Un musicologue engagé dans la vie musicale de l’entre-deuxguerres, Paris, Société française de musicologie, 2015, p. 407.

4. Léo d’Hampol, « La main des virtuoses », Revue Musica, juin 1904, nº 21, p. 328-329.

5. Ibid., p. 328.

6. Léo d’Hampol , « L’oreille et la musique », Revue Musica, novembre 1904, nº 26, p. 407-408.

7. « L’art musical créateur diffère de tous les autres. Un peintre aveugle est un artiste mort. Un sculpteur paralysé des bras ne peut plus produire. […] La littérature, et surtout la musique sont des arts éminemment cérébraux, où la reproduction de la vie qui est le but de l’art, ou la transsubstantiation, comme dirait Jules de Gautier, a besoin pour s’opérer du minimum de matière ». Le docteur affirme ainsi que « pour le génie musical créateur […] il doit être fonction de centres cérébraux dont les rapports avec la personnalité mentale sont complexes et anatomiquement inconnus ». Ibid.

8. Thierry Laugée, Figures du génie dans l’art français, Paris, PUPS, 2016, p. 12.

9. Charles Lebrun, Conférence de Monsieur Le Brun […] Sur l’Expression générale et particulière, Paris, chez E. Picart, 1668.

10. Johann Caspar Lavater, L’Art de connaître les hommes par la physionomie, t. I-X, Paris, Depélafol, 1820.

11. Lavater, t. II., op. cit., p. 210.

12. « Remarquez d’ailleurs dans le front la fermeté, le courage et l’impulsion du génie ». Lavater, t. VI., op. cit., p. 148.

13. Ibid., p. 117

14. Ibid., p. 118

15. « Entend-on mieux avec de grandes oreilles qu’avec des petites ? Je connais un homme qui, avec des oreilles longues et grossières, a l’ouïe extrêmement fine et un esprit très judicieux. Sans cela ; je n’ai guère retrouvé les oreilles trop longues qu’aux têtes stupides ; les petites oreilles annoncent au contraire un caractère faible ; sensible ou effeminé ». Lavater, op. cit., t. IV, p. 50.

16. Lavater, op. cit., t. IX, p. 188.

17. Voir François Grose, Principes de caricatures, suivis d’un Essai sur la peinture comique [trad], Paris, Antoine-Augustin Renouard, 1802, 48 p.

18. Grose, op. cit., p. 29.

19. Albert Cler, Physiologie du musicien, Paris, Aubert, 1841, p. 106-107.

20. Hermann von Helmholtz, Die Lehre von den Tonempfindungen als physiologische Grundlage für die Theorie der Musik, Braunschweig, 1863.

21. « Le tempérament est-il donc aussi coupable qu'on le dit ? Est-il absolument factice ? Ne trouverait-on pas, en cherchant bien, qu'il est, lui aussi, fondé en nature ? Ne compense-t-il pas, en tout cas, au centuple le peu qu'il a l'air de coûter ?... Je ne veux pas me laisser l'exposition de théories qui me seraient en partie personnelles. […] M. Helmholtz ne changera pas la face du style musical ; il ne réduira pas l'harmonie à la portion congrue qu'il indique ; il n'a découvert ni toutes les lois connues de l'acoustique, ni celles qui, selon moi, restent encore à l'état de secrets. » George Bertrand, Le Menestrel, 27 septembre 1868.

22. Ivan Lermolieff [Giovanni Morelli], Die werke italienischer meister in den gqlerien von München; Dresden und Berlin. Leipzig, 1880.

23. Jean-Martin Charcot, Bourneville et P. Regnard, Iconographie photographique de la Salpêtrière, Vol. I, V. Adrien Delahaye & Cie, 1878, p. II.

24. « La forme de la tête », L’Illustration, nº 2496, 27 décembre 1890.

25. “Das Ohr ist eins der Sinnorgane, das man den Eindrücken am schwersten verschliesen kann. Viele seiner Anschauungen sind zugleich mit einem angenehmen oder unaugnehmen Gefühl verbunden”. Johann Christian Reil, Rhapsodien über die Anwendung der psychischen Kurmethode, 1818, p. 203.

26. Léo d’Hampol, « L’oreille et la musique », art. cit., p. 407.

27. Berlioz parle de ce « mal de l’isolement » comme du spleen, dont il définit deux espèces : « l’un est ironique, railleur, emporté, violent, haineur ; l’autre, taciturne et sombre » caractérisé par « l’inaction, le silence, la solitude et le sommeil ». « Variétés de spleen. L’isolement. » dans Hector Berlioz, Mémoires, Tome I, 1803-1865, t. I, Paris, Calmann-Lévy, p. 244.

28. Hector Berlioz, « Programme », Episode de la vie d’un artiste, Symphonie Fantastique, en cinq parties, par Hector Berlioz, exécuté pour la première fois le 5 décembre 1830, au Conservatoire de Musique de Paris, p. 2.

29. Georges Didi-Huberman, Invention de l'hystérie : Charcot et l'iconographie photographique de la Salpêtrière, Genève, Macula, 2014, p. 13.

30. Ainsi, pour Huberman, « […] cette extension désigne une fois encore quelque lien plus cruel de figuration à temporalité. Écoutez déjà le mot, il y a dedans simul, qui signifie « en même temps » ; or, simul fit racine commune à deux directions de sens passablement contradictoires : similitudo, la ressemblance, la proximation imaginaire ; simultas, la haine réciproque, la rivalité ». Ibid., p. 357.

31. Selon Huberman, « dans la langue érotique des latins, cura désigne aussi l’objet du souci, de la curiosité ou même du nettoyage : c’est-à-dire le sexe ». Ibid, p. 48.

32. « Il se dit encore, figurément, Du génie de chaque poëte, du caractère de sa poésie. La muse de Racine était tendre et passionnée. Il vient d’offrir au public les fruits de sa muse. Une muse enjouée, badine, sévère, déréglée. Il se dit aussi de La personne ou du sentiment qui inspire un poëte. La vérité a été sa muse. Cette femme est sa muse ». « Muse », Dictionnaire de l’Académie, 6e édition, 1832-1835.

33. Nathalie Heinich, L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gallimard, 2005, p. 20.

34. Ernest Legouvé, Histoire morale des femmes, 4e édition, Paris, 1864, p. 346.

35. Jules Michelet, La Femme, Paris, 1910, p. 336-379.

36. Pierre Brunel, « Préface », dans Stendhal, Vie de Rossini, Paris, Gallimard, p. 48-49.

37. Ibid.

38. « Rossini sey ein wahrer Mörder, er wisse mehr als vierzig Anfälle von nervösen Gehirnkrankheiten und Konvulsionen bei jungen leidenschaftlichen Musikliebhaberinnen », Amadeus Wendt, Rossini’s Leben und Treiben, Leipzig, 1824, p. 202. Cité dans James Kennaway, « From sensibility to pathology », Bad Vibrations: the history of the idea of music as a disease, London, Routledge, 2016, p. 52.

39. Dans Peter Conrad, Verdi and/or Wagner : Two Men, Two Worlds, Two Centuries, London, Thames and Hudson, 2011, p. 202.

40. Ibid., p. 160.

41. « Quand j’ai fait Salammbô j’ai lu sur cette matière-là “les meilleurs auteurs” et j’ai reconnu tous mes symptômes : j’ai la boule, et le clou, à l’occiput ». Gustave Flaubert, « Lettre à George Sand, 12-13 janvier 1867 ». L’auteur dépeint à plusieurs reprises une autoreprésentation bisexuelle dans sa correspondance à Sand. « Au mois de juillet, j’irai me décongestionner sur le haut d’une montagne en Suisse, obéissant au conseil du docteur Hardy, lequel m’appelle “une femme hystérique”, mot que je trouve profond ». George Sand, Gustave Flaubert, Correspondances, Paris, Calmann-Lévy, 1904.

42. Georges Sand, « À Gustave Flaubert, à Croisset, Nohant, 15 janvier 1867 ». op. cit.

43. « On n'est pas musicien sans une oreille anatomiquement et physiologiquement musicale. Si l'usage peut en perfectionner les rouages, il n'en est pas moins certain que l'hérédité est capable de transmettre d'emblée une excellente organisation qui prédisposera à faire de la musique, puisqu'elle fournit des dispositions musicales. » L. Lefèvre, Bruxelles, cité dans Jean Martin Charcot, Archives de Neurologie, deuxième série, t. 22, 1909, p. 22.

44. Richard Legge, The Journal of Mental Science, juillet 1894, cité dans Jean-Martin Charcot, op. cit., tome 1, n°01-06.

45. « Freud détermine une “structure hystérique de la personnalité” et montre que l’hystérie naît d’une confrontation permanente entre les souvenirs refoulés et la réalité ». Claude Beauclair et Catherine Masson, George Sand – Gustave Flaubert, Échanges Épistolaires, éditions Le Jardin d’essai, Rouen, 2004, p. 8.

46. Sylvain Caron, « Les traces de l’évolution du statut des compositrices au début du XXe siècle dans la revue Musica », Revue musicale OICRM, vol. 4, no 2, 2017, p. 1-18.